#mohammad ali amir-moezzi
Explore tagged Tumblr posts
reseau-actu · 5 years ago
Link
EXCLUSIF - Pour la premiÚre fois au monde, 30 historiens des religions ont analysé le texte sacré en le restituant dans son contexte historique. Le Figaro Magazine révÚle de larges extraits de ce Coran des historiens.
Tumblr media
PubliĂ© aux Éditions du Cerf, Le Coran des historiens est d’abord le fruit d’un travail scientifique rigoureux et exemplaire, mais aussi une arme pacifique contre ceux qui font du livre fondateur de l’islam une lecture littĂ©raliste, un texte inspirĂ© de la seule parole d’Allah, une pure rĂ©vĂ©lation divine qui ne saurait ĂȘtre analysĂ©e, Ă©tudiĂ©e, critiquĂ©e. Nous en publions des extraits en exclusivitĂ©.
1. Mahomet, cet inconnu
Le Coran est malheureusement d’une pertinence trĂšs limitĂ©e pour reconstruire la vie de Mahomet et les divers Ă©vĂ©nements relatifs Ă  sa carriĂšre prophĂ©tique. En effet, le Coran est un texte profondĂ©ment anhistorique. À la diffĂ©rence des Évangiles du Nouveau Testament chrĂ©tien, par exemple, il n’y est pas question des Ă©vĂ©nements de la vie de Mahomet ou de l’histoire ancienne de la communautĂ© religieuse qu’il a fondĂ©e. Le Coran sert plutĂŽt avant tout Ă  rĂ©unir des fragments de traditions bibliques et arabes plus anciennes par l’intermĂ©diaire de la figure du ProphĂšte, en excluant de son champ les alĂ©as du temps et de l’espace. En ne se fondant que sur le Coran, on pourrait probablement dĂ©duire que le protagoniste du Coran est Mahomet, qu’il a vĂ©cu en Arabie occidentale et qu’il en voulait amĂšrement Ă  ses contemporains qui rĂ©cusaient ses prĂ©tentions Ă  la prophĂ©tie. Mais on ne pourrait pas dire que le sanctuaire se trouvait Ă  La Mecque, ni que Mahomet lui-mĂȘme venait de lĂ , et on ne pourrait que supposer qu’il s’était Ă©tabli Ă  MĂ©dine.
En cherchant Ă  lire le Coran Ă  contre-courant des rĂ©cits traditionnels sur les origines de l’islam, il est possible de dĂ©terrer une strate plus ancienne dans le dĂ©veloppement de la foi musulmane
Le Coran des historiens
2. Un Coran Ă  contre-courant
Le Coran est notre unique porte d’entrĂ©e dans le premier siĂšcle de l’islam. Bien qu’il ne rĂ©vĂšle que trĂšs peu de choses sur les Ă©vĂ©nements de la vie de Mahomet et de l’histoire ancienne de la communautĂ© religieuse qu’il a fondĂ©e, il est toutefois censĂ© conserver des traces de son enseignement. En tant que document littĂ©raire musulman le plus ancien, et mĂȘme seul document littĂ©raire du premier siĂšcle de l’islam, le Coran constitue un tĂ©moin prĂ©cieux pour comprendre les croyances religieuses de Mahomet, telles qu’elles furent interprĂ©tĂ©es par ses disciples les plus anciens. Ainsi, le Coran nous offre la meilleure chance de soulever le voile sur le mythe des origines islamiques.
En cherchant Ă  lire le Coran Ă  contre-courant des rĂ©cits traditionnels sur les origines de l’islam (et non en conformitĂ© avec ces rĂ©cits), il est possible de dĂ©terrer une strate plus ancienne dans le dĂ©veloppement de la foi musulmane. Cela n’implique bien Ă©videmment pas d’interprĂ©ter systĂ©matiquement le Coran en allant contre la tradition Ă©tablie. Il s’agit plutĂŽt, en suivant les mĂ©thodes des Ă©tudes bibliques, de repĂ©rer les endroits oĂč le texte coranique semble en tension avec les rĂ©cits traditionnels sur les dĂ©buts de l’islam, tout en cherchant des anomalies parallĂšles dans la tradition ancienne qui, de la mĂȘme maniĂšre, ne s’accordent pas avec l’image gĂ©nĂ©ralement vĂ©hiculĂ©e par les rĂ©cits postĂ©rieurs. En mettant Ă  jour de tels Ă©carts hermĂ©neutiques entre le texte sacrĂ© et la tradition, on dĂ©couvre un espace qui nous invite potentiellement Ă  dĂ©couvrir une autre sorte d’islam dans ses tout dĂ©buts - un mouvement religieux qui n’était peut-ĂȘtre pas complĂštement diffĂ©rent de ce qu’il deviendra, mais qui possĂ©dait tout de mĂȘme des caractĂ©ristiques bien distinctes.
3. L’influence du christianisme oriental
A) Les invocations
En Orient, domine la confusion entre les diffĂ©rentes chrĂ©tientĂ©s que Byzance a jugĂ©es hĂ©rĂ©tiques, principalement les monophysites et les nestoriens. Elle a profondĂ©ment marquĂ© le milieu dans lequel est nĂ© l’islam. Ainsi, pour ne donner que deux exemples de la profonde influence nestorienne, la fameuse formule qui introduit chaque sourate du Coran («Au nom de Dieu: celui qui fait misĂ©ricorde, le MisĂ©ricordieux») semble traduire le dĂ©but de la troisiĂšme priĂšre eucharistique de Nestorius: «Ô Seigneur Dieu, le ClĂ©ment qui fait misĂ©ricorde, le Compatissant». De mĂȘme, il ressort que l’origine de la confession de foi de l’islam («J’atteste qu’il n’y a pas de divinitĂ© en dehors de Dieu») doit ĂȘtre Ă©galement cherchĂ©e dans un milieu nestorien.
Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’ĂȘtre chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraĂźt. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges !
Le Coran
B) Le voile
La Didascalie des apĂŽtres (une exhortation chrĂ©tienne du IIIe siĂšcle en Syrie) Ă©tait en circulation en Arabie avant l’émergence de l’islam et constituait un document de pertinence plausible pour l’auditoire originel du Coran. À propos du voile de la femme, la Didascalie syriaque dit en effet ceci: «Si tu veux devenir une femme croyante, sois belle pour ton mari seulement. Et lorsque tu marches dans la rue, couvre ta tĂȘte avec ton habit, afin que grĂące Ă  ton voile, ta grande beautĂ© puisse ĂȘtre couverte. Et ne peins pas les contours de tes yeux, mais baisse ton regard. Et marche voilĂ©e.» L’objectif de ces instructions est de contenir l’attraction sexuelle Ă  l’intĂ©rieur de la sphĂšre autorisĂ©e du mariage.
Or, dans le Coran (24: 30-31), Dieu ordonne Ă  son prophĂšte de dire aux croyants - Ă  la fois hommes et femmes - ce qui suit: «Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et soient pudiques. Ce sera plus dĂ©cent pour eux. Dieu est bien informĂ© de ce qu’ils font. Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’ĂȘtre chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraĂźt. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges! Qu’elles montrent seulement leurs atours Ă  leurs Ă©poux, ou Ă  leurs pĂšres, ou aux pĂšres de leurs Ă©poux, ou Ă  leurs fils, ou aux fils de leurs Ă©poux, ou Ă  leurs frĂšres, ou aux fils de leurs frĂšres, ou aux fils de leurs sƓurs, ou Ă  leurs femmes, ou Ă  leurs esclaves, ou Ă  leurs serviteurs mĂąles que n’habite pas le dĂ©sir [charnel], ou aux garçons qui ne sont pas [encore] au fait de la conformation des femmes. Que [les croyantes] ne frappent point [le sol] de leurs pieds pour montrer les atours qu’elles cachent! Revenez tous Ă  Dieu, ĂŽ croyants! Peut-ĂȘtre serez-vous bienheureux.»
Tandis que la Didascalie ne s’adresse qu’aux femmes, le Coran s’adresse Ă  la fois aux hommes et aux femmes. Tandis que dans la Didascalie, la beautĂ© d’une femme croyante est rĂ©servĂ©e exclusivement Ă  son mari, le Coran Ă©nonce des exceptions pour cinq groupes. Mais tout comme la Didascalie, le Coran cherche Ă  canaliser l’attraction sexuelle et Ă  la restreindre Ă  la sphĂšre du mariage. En plus des parallĂšles thĂ©matiques clairs entre les deux textes, il se trouve aussi de nets parallĂšles linguistiques. Ces parallĂšles thĂ©matiques et linguistiques prouvent l’existence d’un environnement lĂ©gal commun qui suggĂšre que l’auditoire du Coran connaissait la Didascalie syriaque. À l’instar de ce qu’il a fait avec la Bible hĂ©braĂŻque et le Talmud, le Coran en modifie certaines rĂšgles afin de les adapter au contexte arabe.
Paris, octobre 2019. Karim Daher
C) Les interdictions alimentaires
Durant le Ier siĂšcle de l’ùre commune, comme le rapportent les Actes des apĂŽtres, certains des membres du mouvement initiĂ© par JĂ©sus ont insistĂ© sur le fait que les croyants paĂŻens devaient observer la loi de MoĂŻse, tandis que d’autres, tels Pierre et Paul, soutenaient que cette charge ne devait pas ĂȘtre placĂ©e sur les «nuques» des paĂŻens. Les deux groupes opposĂ©s trouvĂšrent un compromis. Les apĂŽtres et les anciens envoyĂšrent deux reprĂ©sentants Ă  Antioche munis d’une lettre informant les paĂŻens croyants au Christ qu’ils Ă©taient tenus de s’abstenir de seulement quatre pratiques mosaĂŻques: «L’Ésprit saint et nous-mĂȘmes, nous avons en effet dĂ©cidĂ© de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inĂ©vitables: vous abstenir des viandes de sacrifices paĂŻens, du sang, des animaux Ă©touffĂ©s et de l’immoralitĂ©. Si vous Ă©vitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi.»
En 683-684, ce passage est citĂ© presque mot pour mot par Athanase de Balad, le patriarche jacobite d’Antioche, dans une lettre encyclique Ă©crite en syriaque. Il se rĂ©fĂšre entre autres aux mots des ApĂŽtres qui avaient ordonnĂ© aux croyants paĂŻens de «se tenir Ă  distance de la fornication». Il ajoute que les croyants paĂŻens doivent aussi se tenir Ă  distance «de ce qui est Ă©touffĂ© et du sang, ainsi que de la nourriture issue de l’abattage paĂŻen, sans quoi ils s’associeraient aux dĂ©mons et Ă  leur table impropre».
Pour sa part, le Coran (5: 3-5) indique: «Illicites ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s pour vous [la chair de] la bĂȘte morte, le sang, la chair du porc et de ce qui a Ă©tĂ© consacrĂ© Ă  un autre [dieu] que Dieu, [la chair de] la bĂȘte Ă©touffĂ©e, de la bĂȘte tombĂ©e sous des coups, de la bĂȘte morte d’une chute [ou] d’un coup de corne, [la chair de] ce que les fauves ont dĂ©vorĂ© - sauf si vous l’avez purifiĂ©e -, [la chair de] ce qui est abattu devant les pierres dressĂ©es, ainsi que de consulter le sort par division par les flĂšches - tout cela est perversitĂ©.»
Bien que l’ordre de prĂ©sentation diffĂšre de celui des deux autres textes, les Actes des apĂŽtres et la Lettre Athanase, le Coran prescrit les mĂȘmes interdits aux croyants. LĂ  encore, les parallĂšles thĂ©matiques et linguistiques indiquent l’existence d’un environnement juridique commun.
4. Le modÚle manichéen
Des matĂ©riaux archĂ©ologiques rĂ©cemment dĂ©couverts en Haute-Égypte et en Asie centrale mettent en Ă©vidence combien le manichĂ©isme se caractĂ©risait comme «religion du livre», autrement dit endossait l’idĂ©e d’une essence immuable de la thĂ©ologie. Sur cette base, la religion qu’embrassaient les manichĂ©ens apparaissait comme la fondation d’une communautĂ© nouvelle formĂ©e de toutes les nations, la religion de l’histoire accomplie. La signification de la formule impliquait aussi dans ces milieux une prolifĂ©ration matĂ©rielle de livres pour y sustenter l’activitĂ© prosĂ©lyte. DĂšs l’émergence de ce courant, la prĂ©Ă©minence de l’écrit alla de pair avec le foisonnement de textes les plus divers dans l’entourage immĂ©diat du fondateur. La plupart de ces Ă©crits Ă©taient Ă  usage interne, mais plusieurs d’entre eux Ă©taient destinĂ©s Ă  la sociĂ©tĂ© politique. Le but recherchĂ© Ă©tait bien sĂ»r missionnaire et apologĂ©tique. Mais ceux qui pensaient et Ă©crivaient restaient proches de la cour et de l’administration de l’État.
Le Coran des historiens, s
0 notes
vervedoff · 8 years ago
Photo
Tumblr media
The  Divine Guide In Early Shi'ism ~ Mohammad Ali Amir-Moezzi
nf
0 notes
ismailignosis · 7 years ago
Photo
Tumblr media
“Two thousand years before creation, Muhammad and ‘Ali were one Light (nur) before God.” – Imam Ja’far al-Sadiq, (Mohammad Ali Amir-Moezzi, The Divine Guide in Early Shi ‘ism, p. 31) #Ismailis #Ismailism #AgaKhan #AhlAlBayt #ProudIsmaili #HazarImam #OneJamat #DiamondJubilee #CanadaCelebratesDJ #ProudToBeACanadianIsmaili #USAVisit ‹ Please visit www.ismailignosis.com or ask.ismailignosis.com or visit our Facebook page www.facebook.com/IsmailiGnosis for more gems about Mawlana Hazar Imam, the Imamat, and Ismaili history and philosophy.
2 notes · View notes
78682homes · 5 years ago
Text
HISTOIRE : Lire le Coran « avant l’islam » 78682 homes
http://www.78682homes.com/histoire%e2%80%89-lire-le-coran-%e2%80%89avant-lislam%e2%80%89
HISTOIRE : Lire le Coran « avant l’islam »
Le Coran des historiens, Sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Cerf, 2386 p., 89 €Une recension d’Anne-BĂ©nĂ©dicte Hoffner, la-croix.comSous la direction de deux islamologues, Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, paraĂźt une ambitieuse synthĂšse d’une partie de la recherche historique sur le Coran.Depuis les annĂ©es 1970 et plus encore ces derniĂšres annĂ©es, le Coran et les origines de l’islam suscitent un « bouillonnement scientifique », marquĂ© par une multiplication d

homms2013
#Informationsanté
0 notes
touba · 12 years ago
Photo
Tumblr media
Footnote 21 from "Icon and Meditation: Between Popular Art and Sufism in Imami Shi'ism" by Mohammad Ali Amir-Moezzi, in The Art and Material Culture of Iranian Shi'ism, ed. Pedram Khosronejad. 
5 notes · View notes
reseau-actu · 5 years ago
Link
Pour la premiĂšre fois dans le monde, trente spĂ©cialistes ont dĂ©cryptĂ© le livre saint de l’Islam. Ils livrent une analyse circonstanciĂ©e du texte, accessible au grand public, dans le "Coran des historiens" (Ă©ditions du Cerf). Rencontre avec l’un de ses codirecteurs, Mohammad Ali Amir-Moezzi.
Tumblr media
Pour la premiĂšre fois dans le monde, trente spĂ©cialistes ont dĂ©cryptĂ© le livre saint de l’Islam. Ils livrent une analyse circonstanciĂ©e du texte, accessible au grand public, dans Le Coran des historiens. Rencontre avec l’un de ses codirecteurs, Mohammad Ali Amir-Moezzi.
Marianne : Depuis quand ĂȘtes-vous travaillĂ© par cette idĂ©e d’une contextualisation du texte saint pour les non savants ?
Tumblr media
Mohammad Ali Amir-Moezzi : Le travail de contextualisation du Coran est ancien, il remonte au XIXe siÚcle avec le début des études scientifiques sur le Coran notamment par les biblistes allemands et de grands savants juifs. Ce qui intriguait ces derniers, c'était justement la présence massive du judaïsme dans le texte saint.
Depuis la fin du XXe siĂšcle, on a assistĂ© Ă  une accĂ©lĂ©ration des Ă©tudes sur le Coran. Pour y voir plus clair, j’ai commencĂ© moi-mĂȘme avec la publication du Dictionnaire du Coran en 2007 (Robert Laffont). Il s’agissait de prĂ©senter la pluralitĂ© des perceptions musulmanes du livre fondateur de l’Islam, souvent perçu Ă  tort comme un bloc monolithique.
Le Coran des historiens s'inscrit dans une autre dĂ©marche. L'idĂ©e est de mettre Ă  disposition d'un large public une synthĂšse des Ă©tudes scientifiques sur ce texte depuis le XIXe siĂšcle jusqu'Ă  aujourd'hui augmentĂ©e de rĂ©flexions actuelles. Avec Guillaume Dye, nous avons mis sur pied une Ă©quipe de chercheurs internationaux composĂ©e d'historiens et de spĂ©cialistes du Coran. Pour la premiĂšre fois au monde, nous avons donc contextualisĂ© ce texte saint et l’avons commentĂ© en amont de ce qu’en disent les sources islamiques.
Comment avez-vous procédé, tant pour le choix des 30 spécialistes que pour la méthodologie ?
Nous avons dĂ©cidĂ© d'Ă©tudier le texte du Coran "Ă  l’état brut", en amont de ce qu’en disent les sources musulmanes. Celles-ci ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©es par l'histoire politique et doctrinale trĂšs mouvementĂ©e au dĂ©but de l’islam. Les commentateurs voient dans le texte ce qu'ils ont envie d'y voir selon leur appartenance thĂ©ologico-politique. Pour cela, nous nous sommes appuyĂ©s sur les apports des scientifiques depuis deux siĂšcles ainsi que sur les recherches des plus grands spĂ©cialistes actuels.
Une trĂšs grande introduction (Vol. 1) s’avĂ©rait nĂ©cessaire afin de revenir sur le contexte du Proche et Moyen-Orient Ă  l'Ă©poque de l'avĂšnement de Mahomet et de la genĂšse du Coran. On trouve aussi des Ă©tudes sur les manuscrits, les donnĂ©es archĂ©ologiques, le droit... Nous avons fait appel aux meilleurs chercheurs reconnus chacun dans leur discipline respective, et aussi Ă  de jeunes spĂ©cialistes particuliĂšrement brillants que nous voulions faire connaitre.
Le deuxiÚme volume est un commentaire continu du livre saint, du début à la fin. Pour ce travail, nous avons collaborés avec des historiens du Coran, c'est-à-dire ceux qui travaillent selon la méthode historico-critique sur le Coran en tant que texte historique, religieux, et littéraire du VIe et VIIe siÚcle.
Il faut savoir que pour trĂšs peu de croyants musulmans le Coran est une source directe
Le Coran est considĂ©rĂ© par bon nombre de croyants comme une source directe de la foi, sans interprĂ©tation possible. La contextualisation n’est-elle pas perçue comme une menace Ă  l’égard de la foi par les fidĂšles ?
Tout d'abord, il faut savoir que pour trĂšs peu de croyants musulmans, le Coran est une source directe. En effet, le texte est Ă©crit dans un arabe archaĂŻque, gĂ©nĂ©ralement diffĂ©rent de l'arabe littĂ©raire dit "classique". Seuls 15% des musulmans dans le monde sont arabes ou arabophones. Les plus grands pays musulmans sont le Nigeria et l'IndonĂ©sie, qui n'ont rien Ă  voir avec la culture ou la langue arabe. La moitiĂ© de la population musulmane mondiale se trouve dans le continent indien (Pakistan, Inde, Bangladesh). Vous ajoutez Ă  cela l'islam turc, africain, balkanique... Tous ces gens lĂ  ne connaissent pas l'arabe. Et mĂȘme dans les pays arabophones, le nombre de personnes analphabĂštes et/ou peu lettrĂ©es est consĂ©quent. Seul un pourcentage infime de musulmans comprend directement le Coran dans la langue. Ce qu'apprennent les croyants passe par le filtre de commentateurs, de la littĂ©rature secondaire. Les interprĂ©tations sont donc extrĂȘmement variĂ©es (mystique, juridique, philosophique, politique...), issues de diverses traditions. Le Coran est donc loin d'ĂȘtre une source directe !
Pour revenir Ă  votre question, il est certain que certains perçoivent cette mise en contexte comme une menace, mais Ă  mon avis sans raison. La foi porte sur des sujets essentiels, intimes de l'existence du fidĂšle. Parfois, pour avoir une bonne connaissance de ce qui est essentiel, il faut aussi connaĂźtre ce qui est accessoire. Une Ă©tude philologique du Coran avant les ajouts exĂ©gĂ©tiques peut mĂȘme consolider la foi. En effet, il s’agit de se pencher sur ce que dit vĂ©ritablement ce texte avant l’exĂ©gĂšse des traditions - dĂ©pendant souvent d’un contexte diffĂ©rent de celui qui a vu naĂźtre le Coran.
Il est vrai qu'une vision distanciĂ©e, sereine des choses la foi est le fruit d'une histoire occidentale (avec l’exĂ©gĂšse biblique mĂ©diĂ©vale, l'Humanisme, les LumiĂšres...). Cette approche critique fait partie des fondements de la pensĂ©e moderne dont la tolĂ©rance est une des composantes majeures. Cela a pris du temps et provoquĂ© nombre de conflits, mais finalement la mentalitĂ© occidentale, aussi bien chez les juifs que les chrĂ©tiens, a intĂ©grĂ© une vision contextualisĂ©e, du fait religieux. A l'inverse la grande majoritĂ© des musulmans n'a pas encore intĂ©grĂ© cette histoire. La vision critique des choses de la foi n'est pas encore assimilĂ©e. Cependant, je crois que les choses sont en train de changer.
Une distinction peut donc ĂȘtre faite entre les croyances et la foi
Dans quelle mesure cette somme peut-elle alors trouver un Ă©cho dans la sphĂšre religieuse ?
Il y a dans le monde musulman ce que je nomme "l'apprentissage par la souffrance"
 Il peut paraĂźtre banal de prĂ©ciser que les premiĂšres victimes de l'islamisme violent sont les musulmans mais rappeler les Ă©vidences s’avĂšre souvent utile. On observe de plus en plus de frĂ©missements chez des penseurs musulmans qui ne peuvent plus se satisfaire de dire "tout ce qui arrive aux musulmans c'est la faute du sionisme, de l'impĂ©rialisme, du colonialisme !" Certes, les Ă©lĂ©ments gĂ©opolitiques ne peuvent ĂȘtre niĂ©s, mais les intellectuels musulmans estiment, de plus en plus, que quelque chose dans nos propres traditions pose problĂšme. Dans l'Orient musulman, par exemple en Iran, de plus en plus de savants religieux affirment qu'il faut regarder nos traditions avec de nouvelles lunettes (sans doute par rĂ©action aux consĂ©quences violentes de la rĂ©volution islamique.) Et ces nouvelles lunettes sont souvent d’ordre scientifique !
Cela peut faire Ă©cho Ă  ce qu’expliquaient certains penseurs de l'islam mĂ©diĂ©val comme GhazĂąmĂź ou Ibn ArabĂź : parfois, la perte d'un certain nombre de croyances consolide la foi. Une distinction peut donc ĂȘtre faite entre les croyances et la foi, et il y a des croyances qui polluent la puretĂ© de la foi. L’étude non-idĂ©ologique aide Ă  clarifier cette distinction. Il est alors essentiel d’historiciser, de contextualiser, et d’introduire l'histoire et la gĂ©ographie dans les choses de la foi afin d’y neutraliser la perception absolutiste qui favorise le fanatisme
Ce Coran des historiens remet-il en question des croyances communĂ©ment admises chez les croyants aujourd’hui ?
Contrairement Ă  ce que dit la tradition islamique issue des conquĂȘtes et de la naissance de l'empire pour qui l'Islam serait en rupture avec les monothĂ©isme antĂ©rieurs et qui prĂ©sente le Coran comme un livre supĂ©rieur Ă  toute les Écritures, le Coran ne constitue pas une rupture avec les Écritures saintes du judaĂŻsme ou du christianisme. Il y a un continuum. Le Coran lui-mĂȘme en est la preuve ! Il appartient Ă  la tradition textuelle monothĂ©iste de l'AntiquitĂ© tardive, Ă  chaque page on voit les traces d’une connaissance particuliĂšre de ce qu’on pourrait appeler la spiritualitĂ© biblique.
Le Coran a-t-il Ă©tĂ© "dĂ©naturĂ©" par l'histoire politique ? Ce texte saint semble devenir un texte politico-religieux aprĂšs les califats et les conquĂȘtes arabes

Dans la religion, le temporel et le spirituel sont immanquablement liĂ©s. Par exemple, dans l'Ancien testament, la venue des HĂ©breux de l’Égypte vers la Terre promise est un Ă©vĂšnement Ă  la fois religieux et politique. Attention au piĂšge de l’anachronisme, il ne s’agit pas de juger ces textes avec nos lunettes actuelles. Ils appartiennent au temps et au lieu qui sont les leurs. . Ainsi, si Mahomet Ă©tait nĂ© au Mexique, ou s'il avait vĂ©cu au IVe siĂšcle avant J.C, le discours n’aurait pas Ă©tĂ© le mĂȘme. La question est : comment aborde-t-on ces textes saints ? Des parties violentes existent dans le Coran comme dans l’Ancien Testament. Or, l’immense majoritĂ© des juifs a acceptĂ© que les aspects temporels de leurs Écritures relĂšvent de textes historiques que l’on ne peut plus appliquer Ă  la lettre, contrairement aux aspects spirituels qui concernent la vie intĂ©rieure des fidĂšles. Ce travail de contextualisation est Ă©galement nĂ©cessaire pour l’islam.
Le texte coranique appartient Ă  son temps
L’historien n’a pas pour mission de rĂ©gler les questions thĂ©ologiques. NĂ©anmoins que nous dit le Coran sur la place des femmes, les minoritĂ©s juives et chrĂ©tiennes ?
D'abord, une prĂ©cision. Les Juifs et surtout les chrĂ©tiens deviennent minoritaires plusieurs siĂšcles aprĂšs les conquĂȘtes. Contrairement Ă  ce qu'affirment les sources apologĂ©tiques, la mise en place d'une religion est trĂšs lente, tout comme les conversions.
Le texte coranique appartient Ă  son temps. En effet, selon l'anthropologie coranique le musulman est supĂ©rieur au non-musulman, l'homme libre est supĂ©rieur Ă  l'esclave, l'homme est supĂ©rieur Ă  la femme. Mais la femme dispose quand mĂȘme un certain nombre de droits. Il faut savoir Ă©galement que l'Ă©volution du droit musulman est souvent non-coranique, voire anti-coranique. Par exemple, selon le Coran, la fille hĂ©rite de ses parents la moitiĂ© de ce dont hĂ©rite le fils. Pourtant, dans beaucoup de pays sunnites aujourd’hui, la femme n'hĂ©rite de rien tant qu’il reste des hommes hĂ©ritiers.
Lire aussiQue dit vraiment le Coran sur les juifs ?
Par ailleurs, le Coran est un corpus qui contient des contradictions. C'est pour cela que les musulmans ont mis sur pied une science - assez curieuse - qui est la science de l'abrogation, afin de justifier ces contradictions. Ils ont donc Ă©tabli une chronologie arbitraire, au sujet de laquelle les savants divergent, selon laquelle les versets anciens en contradictions avec les plus rĂ©cents sont abrogĂ©s. Par exemple, sur le vin, le Coran propose trois positions : le vin est un breuvage paradisiaque, il peut ĂȘtre bu en dehors du temps de la priĂšre, enfin il est diabolique donc absolument interdit. La chronologie exacte ne pouvant pas ĂȘtre dĂ©terminĂ©e, on se demande pourquoi l’orthodoxie a toujours optĂ© pour la position la plus dure. Cette ambivalence concerne juifs et chrĂ©tiens. On trouve des versets extrĂȘmement Ă©logieux oĂč les descendant d’IsraĂ«l sont appelĂ©s "le peuple Ă©lu". Les chrĂ©tiens pieux sont considĂ©rĂ©s dans certains versets comme les hommes particuliĂšrement aimĂ©s de Dieu. Et puis, on trouve aussi les versets guerriers, avec l'appel au combat contre les mĂȘmes. Encore une fois, l'Islam a optĂ© pour l’abrogation des versets "plus doux", conservant les versets "plus durs".
Comment expliquer ces versets si opposés ?
Plusieurs hypothĂšses ont Ă©tĂ© avancĂ©es par les savants. Il est possible que tout le Coran ne date pas de l'Ă©poque de Mahomet. Des parties ont pu ĂȘtre rĂ©digĂ©es aprĂšs les conquĂȘtes, les versets les plus guerriers serviraient Ă  justifier la domination des peuples conquis par le pouvoir califal. Une autre explication peut se trouver dans l'entourage de Mahomet, composĂ© de diffĂ©rentes catĂ©gories de croyants. Il y avait des apocalyptiques pour qui la fin du monde Ă©tait trĂšs proche, pacifistes vis-Ă -vis des autres religions, et qui croyaient Ă  l’avĂšnement imminent du jugement dernier. A cĂŽtĂ© de ces gens lĂ , et parfois contre eux, se trouvaient des fidĂšles belliqueux, bien plus conquĂ©rants, en quĂȘte de pouvoir et butins. Le Coran serait un texte de compromis entre les idĂ©es de ces deux groupes. Ce sont des pistes de recherche et l’historien n’a pas encore de rĂ©ponses dĂ©finitives Ă  ces questions.
Il est impossible de faire une biographie historique du prophĂšte
Que sait-on de Mahomet ?
TrĂšs peu de chose si l’on se fonde sur le Coran ! Celui-ci parle infiniment plus d'Abraham, MoĂŻse ou NoĂ© que de Mahomet qui n'est citĂ© que cinq fois dans l’ensemble du texte, contre 136 fois pour MoĂŻse (le plus citĂ©) ou 69 fois pour Abraham. Si nous lisons le texte sans les filtres exĂ©gĂ©tiques qui ont vu Mahomet partout, nous n'apprenons rien sur la vie du ProphĂšte. Chez les spĂ©cialistes de l'Islam, on aime Ă  dire que "le Coran est un texte sans contexte". Dans l'introduction de notre ouvrage il y a un long chapitre sur les vies de Mahomet particuliĂšrement intĂ©ressant me semble-t-il car il explique les raisons pour lesquelles il est impossible de faire une biographie historique du prophĂšte.
Ce qui est possible c’est une histoire des reprĂ©sentations de Mahomet crĂ©Ă©es par la tradition islamique (images politique, ascĂ©tique, eschatologique, mystique...). Il y a de multiples figures du prophĂšte, souvent contradictoires avant le travail tardif d’uniformisation des textes, mais sa rĂ©alitĂ© historique demeure impossible Ă  saisir. Et pourtant son existence est certaine : mĂȘme des sources non-islamiques contemporaines parlent de lui. Il est fascinant de voir qu'il est prĂ©sentĂ© comme appartenant Ă  la tradition biblique. Des textes de traditions juives dĂ©crivent un prophĂšte arabe, envoyĂ© par Dieu pour libĂ©rer JĂ©rusalem du joug byzantin. Dans des textes chrĂ©tiens on Ă©voque un prophĂšte arabe qui annonce la fin des temps et la venue du messie, et ce messie "est le nĂŽtre", prĂ©cisent-ils.
Lire aussiCe que l'islam a de juif et ce que les Arabes ont de chrétien
La rareté de Mahomet est étrange dans un texte qui devrait le concerner avant tout...
Il est vrai que cet aspect est problĂ©matique. A propos de Mahomet, le Coran dit mĂȘme que c'est un homme comme les autres. Il a l'image d'un homme ordinaire, mais investi d'une mission divine, qui est d'avertir de la fin imminente du monde et demander aux gens de revenir vers Dieu. En effet, le Coran, dans ses couches les plus anciennes, est un texte apocalyptique.
Ce travail représente-il un risque pour les auteurs du Coran des historiens ?
Non, je ne pense pas. Ce que nous Ă©crivons dans cet ouvrage n'a rien d'outrancier Ă  l'Ă©gard de l'Islam et son livre saint. J’ajoute que les rĂ©actions violentes n'ont pas attendu ce livre pour exister. Nous avons essayĂ©, en tant qu'historiens, d'ĂȘtre objectif, et sommes toujours respectueux de notre objet de recherche comme c’est le cas dans toute investigation scientifique.
Est-ce qu'il va ĂȘtre distribuĂ© Ă  l'Ă©tranger ?
Certainement. Il aura sĂ»rement moins de lecteur dans les pays musulmans car il n'y en a pas beaucoup qui lisent le français. Mais parmi les francophones, des intellectuels, des lettrĂ©s, voire des religieux seront intĂ©ressĂ©s par ce que l’on dit. Ils ne seront peut-ĂȘtre pas d'accord avec tout ce que nous affirmons
 Mais mĂȘme entre historiens, y compris les auteurs de ce livre, nous ne sommes pas toujours du mĂȘme avis !
>> Le Coran des historiens, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, coffret de 3 volumes, Ă©ditions du Cerf, 2019
1 note · View note
ismailignosis · 7 years ago
Photo
Tumblr media
“Our walāyah is the walāyah of God. Every prophet was only ever sent for it; the walāyah of ‘AlÄ« is inscribed in the books of the prophets; a messenger was only ever sent to proclaim the prophethood of Muáž„ammad and the walāyah of ‘AlÄ«.” – Imām Ja‘far al-áčąÄdiq, (Mohammad Ali Amir-Moezzi, The Spirituality of Shi‘i Islam, 258) #Ismailis #Ismailism #AgaKhan #AhlAlBayt #ProudIsmaili #HazarImam #OneJamat #DiamondJubilee #CanadaCelebratesDJ #ProudToBeACanadianIsmaili #USAVisit #IndiaVisit Please visit www.ismailignosis.com or ask.ismailignosis.com or visit our Facebook page www.facebook.com/IsmailiGnosis for more gems about Mawlana Hazar Imam, the Imamat, and Ismaili history and philosophy.
0 notes